jueves, enero 11, 2018

Alfred Victor de Vigny / La muerte del lobo















I

Las nubes deslizándose por la luna inflamada,
igual que en el incendio se ve escaparse el humo,
ennegrecían los bosques por todo el horizonte.
- Sin hablar caminábamos sobre la húmeda hierba,
por el espeso brezo y por la alta maleza,
cuando, bajo unos pinos como los de las landas,
pudimos percibir marcas de grandes uñas
de los lobos errantes que habíamos acosado.
Oímos con atención, conteniendo el aliento
y el paso suspendido. —La llanura ni el bosque
lanzaban un suspiro por los aires; tan sólo
la veleta de luto gritaba al firmamento.
Pues del viento, elevado por encima del suelo,
sólo sobresalían las torres solitarias,
y los robles de abajo, en la roca apoyados,
en sus ramas mostrábanse dormidos y acostados.
- Nada se oía, cuando, bajando la cabeza,
el cazador más viejo de los de la partida
ha observado la arena, esperando, en cuclillas,
que una estrella arrojara su luz sobre nosotros;
luego, quedo, ha jurado que estas marcas recientes
anunciaban el paso y las garras poderosas
de dos enormes lobos y de sus dos lobeznos.
- Preparamos entonces todos nuestros cuchillos,
y ocultando las armas y sus blancos destellos,
íbamos, paso a paso, apartando las ramas.
    Tres se paran y yo, buscando lo que veían,
percibo de repente dos ojos que llameaban,
y veo más allá unas formas ligeras
danzar bajo la luna en medio de los brezos
como hacen, cada día, con un gran alborozo,
los lebreles alegres al regreso del dueño.
El aspecto era igual, como también la danza;
mas las crías del Lobo jugaban en silencio,
sabiendo que a dos pasos, durmiendo sólo a medias,
habita tras sus muros el hombre, su enemigo.
      El padre de pie estaba más lejos, contra un árbol,
su Loba reposaba como aquella de mármol
que honraban los romanos, cuyos flancos velludos
nutrían a los gemelos llamados Remo y Rómulo.
- Llega el Lobo y se sienta, las dos patas erguidas,
con sus garras punzantes hundidas en la arena.
Se ha sentido perdido, pues lo habían sorprendido,
cortado su repliegue y tomadas sus sendas;
entonces atenaza con sus ardientes fauces,
del perro más osado la jadeante garganta,
y no afloja por nada sus mandíbulas férreas,
pese a nuestros disparos que se hundían en su cuerpo
y de nuestros cuchillos que, al igual que tenazas
se cruzaban hundiéndose en sus vastas entrañas,
hasta el postrer momento en que el perro, ya ahogado,
muerto mucho antes que él, rueda bajo sus patas.
Lo suelta el Lobo entonces y luego nos contempla.
Los cuchillos, del flanco hasta la empuñadura,
lo clavan a la hierba bañada con su sangre;
las armas lo cercaban como cruel media luna.


II

He apoyado la frente en mi fusil sin pólvora,
meditando si luego, sin poder decidirme,
perseguir a su Loba, que, junto a sus dos vástagos,
quisieron esperarlo y, yo así al menos lo creo,
de no estar sus cachorros, la hermosa y triste viuda
lo habría acompañado a sufrir la gran prueba,
mas era su deber salvarlos, para así
poderles enseñar a soportar el hambre,
a no inmiscuirse nunca en el concierto urbano
que el hombre ha realizado con las bestias serviles
que cazan junto a él, para tener cobijo,
ellos que eran los dueños del bosque y de la roca.


 III

¡Ay!, pensé, ¡a pesar de este pomposo nombre de Hombres,
siento una gran vergüenza de que seamos tan débiles!
¡Pues, para abandonar la vida con sus males,
vosotros sabéis cómo, sublimes animales!
      ¡Al ver lo que antes erais y lo que os han dejado,
sólo importa el silencio: todo el resto es quebranto!
- ¡Ah!, ¡qué bien te he entendido, indomable viajero,
y tu última mirada me ha llegado hasta el alma!
Me decía: "Si puedes, haz que tu alma consiga,
a fuerza de ser firme en reflexión y estudio,
llegar a este alto grado de estoico desdén
en que, aquí naciendo, yo llegué a lo más alto.
      Gemir, llorar, rogar, es cobarde igualmente.
- Con energía realiza tu arduo y duro trabajo
en la vía en que la Suerte ha querido llamarte,
luego, igual que hago yo, sufre y muere en silencio."

Alfred Victor de Vigny  (Loches, Francia, 1797 – París, 1863), Antología de la poesía romántica francesa, Rosa de Diego, ed., Cátedra, Madrid, 2000
Traducción de Miguel Ángel García Peinado
Envío de Jonio González

Ref.:
Encyclopedia Britannica

Foto: Alfred de Vigny por Félix Nadar



LA MORT DU LOUP

I

Les nuages couraient sur la lune enflammée
Comme sur l'incendie on voit fuir la fumée,
Et les bois étaient noirs jusques à l'horizon.
Nous marchions sans parler, dans l'humide gazon,
Dans la bruyère épaisse et dans les hautes brandes,
Lorsque, sous des sapins pareils à ceux des Landes,
Nous avons aperçu les grands ongles marqués
Par les loups voyageurs que nous avions traqués.
Nous avons écouté, retenant notre haleine
Et le pas suspendu. -- Ni le bois, ni la plaine
Ne poussait un soupir dans les airs ; Seulement
La girouette en deuil criait au firmament ;
Car le vent élevé bien au dessus des terres,
N'effleurait de ses pieds que les tours solitaires,
Et les chênes d'en-bas, contre les rocs penchés,
Sur leurs coudes semblaient endormis et couchés.
Rien ne bruissait donc, lorsque baissant la tête,
Le plus vieux des chasseurs qui s'étaient mis en quête
A regardé le sable en s'y couchant ; Bientôt,
Lui que jamais ici on ne vit en défaut,
A déclaré tout bas que ces marques récentes
Annonçait la démarche et les griffes puissantes
De deux grands loups-cerviers et de deux louveteaux.
Nous avons tous alors préparé nos couteaux,
Et, cachant nos fusils et leurs lueurs trop blanches,
Nous allions pas à pas en écartant les branches.
Trois s'arrêtent, et moi, cherchant ce qu'ils voyaient,
J'aperçois tout à coup deux yeux qui flamboyaient,
Et je vois au delà quatre formes légères
Qui dansaient sous la lune au milieu des bruyères,
Comme font chaque jour, à grand bruit sous nos yeux,
Quand le maître revient, les lévriers joyeux.
Leur forme était semblable et semblable la danse;
Mais les enfants du loup se jouaient en silence,
Sachant bien qu'à deux pas, ne dormant qu'à demi,
Se couche dans ses murs l'homme, leur ennemi.
Le père était debout, et plus loin, contre un arbre,
Sa louve reposait comme celle de marbre
Qu'adorait les romains, et dont les flancs velus
Couvaient les demi-dieux Rémus et Romulus.
Le Loup vient et s'assied, les deux jambes dressées
Par leurs ongles crochus dans le sable enfoncées.
Il s'est jugé perdu, puisqu'il était surpris,
Sa retraite coupée et tous ses chemins pris;
Alors il a saisi, dans sa gueule brûlante,
Du chien le plus hardi la gorge pantelante
Et n'a pas desserré ses mâchoires de fer,
Malgré nos coups de feu qui traversaient sa chair
Et nos couteaux aigus qui, comme des tenailles,
Se croisaient en plongeant dans ses larges entrailles, 
Jusqu'au dernier moment où le chien étranglé,
Mort longtemps avant lui, sous ses pieds a roulé.
Le Loup le quitte alors et puis il nous regarde.
Les couteaux lui restaient au flanc jusqu'à la garde,
Le clouaient au gazon tout baigné dans son sang;
Nos fusils l'entouraient en sinistre croissant.
Il nous regarde encore, ensuite il se recouche,
Tout en léchant le sang répandu sur sa bouche,
Et, sans daigner savoir comment il a péri,
Refermant ses grands yeux, meurt sans jeter un cri.


II

J'ai reposé mon front sur mon fusil sans poudre,
Me prenant à penser, et n'ai pu me résoudre
A poursuivre sa Louve et ses fils qui, tous trois,
Avaient voulu l'attendre, et, comme je le crois,
Sans ses deux louveteaux la belle et sombre veuve
Ne l'eût pas laissé seul subir la grande épreuve;
Mais son devoir était de les sauver, afin
De pouvoir leur apprendre à bien souffrir la faim,
A ne jamais entrer dans le pacte des villes
Que l'homme a fait avec les animaux serviles
Qui chassent devant lui, pour avoir le coucher,
Les premiers possesseurs du bois et du rocher. 


III

Hélas ! ai-je pensé, malgré ce grand nom d'Hommes,
Que j'ai honte de nous, débiles que nous sommes!
Comment on doit quitter la vie et tous ses maux,
C'est vous qui le savez, sublimes animaux!
A voir ce que l'on fut sur terre et ce qu'on laisse
Seul le silence est grand ; tout le reste est faiblesse.
- Ah ! je t'ai bien compris, sauvage voyageur,
Et ton dernier regard m'est allé jusqu'au coeur!
Il disait : " Si tu peux, fais que ton âme arrive,
A force de rester studieuse et pensive,
Jusqu'à ce haut degré de stoïque fierté
Où, naissant dans les bois, j'ai tout d'abord monté.
Gémir, pleurer, prier est également lâche.
Fais énergiquement ta longue et lourde tâche
Dans la voie où le Sort a voulu t'appeler,
Puis après, comme moi, souffre et meurs sans parler

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